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- Démarche -

                Le passé finit toujours par nous rattraper. C’est ce que j’ai constaté alors que je me suis surprise à manipuler de nouveaux livres et documents après avoir renoncé à la profession d’archiviste à laquelle je me destinais précédemment. En effet, c’est seulement suite à mes études en littérature que je me tourne maintenant vers les arts visuels. Pourtant, les mots m’habitent toujours et j’ai simplement décidé de ne pas choisir entre les domaines, mais bien de les amalgamer dans ma pratique artistique.

                Rythme, langage, code, système, cartographie, voici quelques-uns des termes que j’aime utiliser pour aborder mon travail. L’un des principaux matériaux que j’utilise est le livre lui-même, que je découpe et transforme afin de lui permettre de prendre place dans l’espace (plus souvent bidimensionnel). Je me questionne sur le rôle que l’on donne au sens de l’écrit, sur la façon dont on peut travailler ce signifiant et son expression visuelle dans le signe qu’est la lettre elle-même. Au fil de mes créations, j’ai découvert que si j’ai effectivement une passion pour la littérature, j’ai un intérêt, peut-être plus grand encore, pour le document physique. Le papier, la feuille sur laquelle on trouve les inscriptions, l’objet livre/cahier, pour moi ces éléments sont de la matière première au même titre que la peinture du peintre. Ainsi, je module cette matérialité tout en questionnant son sens et j’effectue de constants aller-retour entre la forme et le poétique. Parallèlement à ce travail, j’ai aussi développé une pratique en dessin où je m’intéresse à l’esthétique de la carte. Je travaille à la déconstruire et à l’épurer afin d’en extraire le caractère utile pour n’en conserver que l’aspect esthétique. De ces expérimentations résultent de nombreux damiers à travers lesquels on devine une conscience humaine tout en s’abandonnant au caractère abstrait de ses motifs inattendus.

                On entend souvent qu’une image vaut mille mots, pourtant, lorsque j’y réfléchis réellement, il me semble que le contraire est tout aussi vrai. Un mot vaut mille images. En effet, si je montre une image de nuage, cette image contiendra plusieurs détails et il n’y aura rien de plus à décrire puisque l’illustration se suffira en elle-même. Mais alors lorsque je dis ou écris simplement « nuage », c’est une multitude de formes et de sortes de nuages qu’il vous viendra à l’esprit, des souvenirs aussi, de la pluie, le ciel... et bien plus encore. Ainsi,  je vois tout autant de beauté dans l’expression par les mots que par la représentation d’une seule des versions de ce que ce mot signifie. Cette réflexion ne s’impose pas à moi comme une vérité, mais comme un possible, une piste qui anime mon envie d’installer les mots dans l’espace, dans l’art, de les faire sortir du document.

                Souvent, mes productions s’élaborent autour d’un paramètre que je détermine au préalable et que j’exécute ensuite avec minutie. Je crois qu’à travers la patience que j’investis dans chacun de mes projets, j’arrive à créer un espace qui invite le regardeur à entrer dans un rapport intime avec mon travail, un peu comme le lien qui existe entre un lecteur et son livre.

                                                                                                                                                                                                  Anne Plourde

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